
Le losange, logo de la marque Renault. (crédit photo : Adobe Stock / )
La "potion magique" de Renault perdrait-elle en efficacité ? La formule miracle qui a remis le constructeur au losange sur les rails de la rentabilité semble s'affadir au moment même où son inventeur, Luca de Meo, tire sa révérence. Jusqu'ici l'un des rares constructeurs européens à ne pas avoir sabré dans ses objectifs annuels -préservé par son absence des marchés américain et chinois-, Renault n'a pas pu éviter la sortie de route à l'approche de la publication des résultats semestriels.
Le groupe a indiqué mardi qu'il prévoyait une marge opérationnelle "autour de 6,5%" en 2025, contre un précédent objectif d'au moins 7%. Il compte également retirer un peu moins de cash de ses activités, avec une génération de trésorerie disponible désormais attendue entre 1 et 1,5 milliard d'euros cette année, contre au moins 2 milliards d'euros précédemment. En Bourse, ces annonces ont fait l'effet d'une douche froide : le titre chutait de 17% mercredi en fin d'après-midi.
Le niveau de rentabilité de Renault reste "robuste par rapport à celui de ses pairs", mais cet avertissement est un nouveau coup porté à la confiance des investisseurs dans l'action, jugent les analystes de Deutsche Bank. Le 16 juin dernier, le titre avait chuté de 8,7% en réaction à l'annonce du départ de Luca de Meo de la direction générale du constructeur automobile. Le dirigeant italien, grand architecte du redressement du groupe au cours des cinq dernières années, a officiellement quitté ses fonctions mardi et rejoindra le groupe de luxe Kering. En attendant de lui trouver un successeur, Renault a confié le volant au directeur financier, Duncan Minto, et au président du conseil d'administration Jean-Dominique Senard.
Au cours de ses cinq années à la tête de Renault, Luca de Meo y a conforté son image de redresseur de marques et d'homme capable d'opérer des choix stratégiques audacieux. Il a permis au constructeur de doubler sa marge opérationnelle, grâce à un recentrage sur les modèles les plus rentables et à une stratégie astucieuse de partenariats qui lui a notamment permis de réduire les temps de développement de nouveaux véhicules.
++Marché en berne++
Son départ coïncide avec une "détérioration de la dynamique du marché automobile avec une pression commerciale accrue" de la part des concurrents, selon le groupe.
Duncan Minto a reconnu mardi que Renault souffrait du repli du marché français des voitures particulières, qui a reculé de 7,9% au premier semestre et devrait rester déprimé jusqu'à la fin de l'année. La chute est encore plus marquée du côté des véhicules utilitaires (-11,9% au premier semestre), avec une "sous-performance" des ventes du groupe qui ont plongé de 21% sur ce marché.
Dans ce contexte, le groupe a annoncé un effort supplémentaire de réduction des coûts dont le détail sera dévoilé lors de la publication des résultats semestriels fin juillet. Il affirme également "accélérer ses initiatives sur des leviers plus structurants".
++Succession++
Mais la période actuelle de transition à la tête de l'entreprise risque de retarder certaines décisions stratégiques et pourrait contribuer à alimenter les doutes du marché. Conscient de ce risque, le groupe a fait savoir que le processus de sélection du nouveau directeur général était "bien engagé" .
La piste d'une promotion interne reste la plus plausible, selon les analystes d'Oddo BHF. Parmi les candidats potentiels, Denis Le Vot, l'actuel directeur général de Dacia, dispose d'une légitimité acquise au fil d'un parcours de plus de trente ans chez Renault et des succès indéniables à la tête de la marque d'origine roumaine. Josep Maria Recasens, récemment nommé directeur général d'Ampere, la filiale dédiée aux véhicules électriques, apparaît également comme un candidat naturel, fort d'une connaissance intime des enjeux d'innovation et de transition énergétique.
Le recours à un profil externe reste envisageable, mais viserait sans doute un dirigeant rompu aux défis industriels et aux transitions technologiques. Car le groupe a d'ores et déjà donné rendez-vous aux investisseurs, au plus tard à la fin de cette année, pour la présentation de son nouveau plan stratégique "Futurama" pour le moyen terme.
Cette nouvelle feuille de route devra conforter la transformation engagée par Luca de Meo tout en projetant Renault au-delà des frontières européennes, sur des marchés en croissance et dans des chaînes de valeur élargies, notamment dans les domaines de la technologie, des services et des nouvelles mobilités.
Le futur directeur général de Renault devra également poursuivre le détricotage progressif des liens avec son partenaire japonais Nissan, tout en préservant les synergies essentielles à la compétitivité. L'influence croissante du constructeur automobile chinois Geely, devenu un partenaire du groupe en Corée du Sud et au Brésil dans la production de moteurs thermiques, ainsi que le rôle prépondérant de l'Etat français, en qualité de premier actionnaire, complexifieront sa tâche. Le candidat idéal devra donc conjuguer vision stratégique et sens politique.
-François Schott et Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; fschott@agefi.fr
Agefi-Dow Jones The financial newswire
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